« Au revoir. » dit Anna Jenkins à l'attention de Nolhan avant de quitter le gymnase. Ça y est, tout ses élèves étaient partis se doucher, signifiant clairement que le cours était terminé. Le jeune homme, alors seul, commença à rassembler les ballons de hand restés à terre, histoire de laisser une salle nickel aux prochains qui s'entraineraient à cet endroit. Ce jour-là, Nolhan avait donné huit heures de cours, et il était pour ainsi dire claqué. Il n'avait qu'une envie, c'était de rentrer chez lui et de se poser dans le canapé. Mais malheureusement pour lui, cette fin d'après-midi était destinée aux achats. Nolhan n'avait plus rien dans son frigo, à part deux bonnes bières, du jambon périmé et un paquet de gruyère presque terminé. Autant vous dire que faire les courses était devenu urgent, voir capital. (...) Le rangement donc terminé, le jeune professeur alla donc à son tour sous la douche - après avoir attendu que ses élèves, aussi vieux que lui d'ailleurs, aient fini -. La douche en fin de journée était la chose la plus délicieuse que Nolhan connaissait. La sensation de se sentir à nouveau propre était indescriptible, voir limite orgasmique. Pour lui, se laver après une longue journée de sport, c'était comme se laver après s'être roulé dans la boue. Bref, après son orgasme quotidien, le jeune homme rassembla ses affaires, puis sortit du gymnase qu'il ferma à clefs pour empêcher les voyous du village de venir voler les ballons ou les tapis de sport à disposition - comme si quelqu'un allait voler ça, mais c'était une toute autre histoire -. Après avoir déposé les clefs à l'administration de l'université de Phoenix, Nolhan sortit dehors puis monta dans sa voiture pour se rendre à l'endroit où il désirait faire ses courses. Après dix bonnes minutes de trajet dans les rues de la ville, Blackburn gara sa voiture à deux minutes à pieds d'une épicerie. Il fit ensuite le trajet à pied et entra dans le magasin qui était bizarrement vide. Le jeune homme fit alors ses achats tranquillement: lait, coca, riz, pâtes, jambons, steaks hachés, pain pour faire des hamburgers, toutes sortes de sauces, du fromage et quelques légumes, histoire de se donner bonne conscience. Il passa à la caisse et paya le tout avec sa carte bancaire, fraichement remplie de son salaire non-négligeable pour une personne de son statut. Les deux mains pleines de paquets de courses, le jeune homme était sur le trajet du retour jusqu'à sa voiture lorsqu'il aperçu l'enseigne d'une boutique à laquelle il n'avait pas prêté plus d'attention à l'allée: L'enseigne d'un sex shop. Interpellé par celle-ci, Nolhan jugea bon d'y faire un tour, étant donné qu'en plus d'être en manque de nourriture à la maison, il était aussi en manque de préservatifs. Il entra donc dans cette boutique plutôt petite, dépourvue de charme et vulgaire à souhait. En même temps, c'est pas en entrant dans un sex shop qu'il allait y trouver des slogans à l'eau de rose sur les divers produits mis en vente. Mais peu importe. S'avançant jusqu'à l'endroit où se trouvait les capotes, Nolhan n'eût qu'à tourner légèrement la tête pour y trouver ... Une de ses élèves, Alix O'Donnel. Élève qu'il venait de quitter il y avait de ça moins d'une heure d'ailleurs. Étonné de la trouver dans cet endroit, il fut d'autant plus surpris de voir ses mains occupées par des menottes roses. Plutôt pris de cours Nolhan pensait pouvoir s'éclipser sans un bruit, mais trop tard, leurs regards s'étaient croisés. Faire marche arrière ne servait plus à rien maintenant. Se raclant alors la gorge, le jeune homme afficha un sourire qu'il voulait le moins malsain possible - tout le monde pouvait s'imaginer des tas de choses dans ce genre d'endroit -. « Alix. » dit-il, comme pour lui prouver qu'il connaissait son prénom, mais c'était aussi sa manière de commencer la conversation. « Si on m'avait dit qu'on se croiserait dans ce genre d'endroit, je n'y aurais pas cru. » Nolhan avait eu Alix assez de fois dans sa classe pour se permettre de la tutoyer. Après tout, il n'était qu'un petit prof de vingt-cinq ans qui avait pour spécialité de prendre ses élèves pour ses potes.
Nolhan etJill. Is sex dirty ? Only when it's being done right.
Alix n'avait jamais beaucoup aimé le sport -ou du moins, pas toute sorte de sport-. Toutefois, elle avait trouvé un attrait plus particulier à ses cours depuis que Nolhan Blackburn les enseignait à l'université, remplaçant un vieil homme vulgaire et buriné qui préférait de loin hurler à mouiller sa chemise. Ce remplaçant était indéniablement un bon prof, et ajoutons à cela son charme indéniable, le sport avec lui était devenu un véritable plaisir. Pouvoir deviner le torse musclé d'un jeune homme au travers de son tee-shirt moulant rajoutait à l'exercice un petit côté lubrique qu'appréciait les plusieurs des jeunes filles. A vu d’œil, on lui donnait vingt-cinq ans. Même pas. Nolhan attisait tant les curiosités. Beaucoup se questionnaient sur la présence d'un professeur aussi jeune au sein d'une université aussi réputée. Il ne tarda pourtant pas à faire taire les questionnements si radicaux, et gagna très vite en popularité à mesure qu'il considérait les élèves non comme des esclaves, mais comme des égaux. Et en cela, Nolhan Blackburn était un précurseur. Par conséquent, aussi apprécié qu'appréciable.
Jillian s'était rendue sous la douche, à l'instar de toutes les autres filles de sa classe. Quelques bavardages plus tard, les voilà toutes sorties, se disant au revoir à l'extérieur du gymnase. Alix ne tarda pas trop à rejoindre sa voiture, en proie aux questionnements existentiels que lui offrait chaque journée. Que faire, désormais ? Dans quel noble action pouvait-elle passer son temps, à quel gourbi indigne offrirait-elle l'honneur de son pas ? Elle roulait, jetant des regards de ci de là. Elle pouvait lire un petit bouquin dans sa chambre, comme d'habitude, ou aller faire un petit peu de shopping. Seul, cela avait moins d'attrait. Ce soir, elle verrait Lon. Dès que cette petite visite lui revint en mémoire, son choix ne tarda pas à s'insinuer pernicieusement dans son âme : il lui fallait de quoi rendre cette soirée inoubliable. Elles l'étaient toujours, évidemment. Mais Alix avait toujours aimé prendre les devants, se montrer originale, surprenante, ouverte à toutes les possibilités. Le sex shop eut ainsi l'honneur d'être foulé par son pas lent et curieux, avide de nouvelles expériences, d'autres possibilités. « Puis-je vous aider mademoiselle ? Recherchez-vous quelque chose en particulier ? » Alix tourna la tête vers la femme qui venait de la déranger dans sa recherche de la trouvaille parfaite. Elle se contenta d'un sourire narquois, avant de continuer, sans rien trouver à redire. A question stupide, silence embarrassé. Que pouvait-elle bien rechercher d'autre dans un pareil lieu que l'amusement et l'excentricité ?
Un pas. Des préservatifs lubrifiés. Deux pas. Des canards sans doute vibrants. Trois pas. Des armes aux formes phalliques à peine dissimulées. Quatre pas. Des menottes de cuir, enrobées de fourrure rose. Elle en était à cet endroit de son aventure orgasmique lorsque son regard accrocha celui d'un professeur qu'elle connaissait plutôt bien. Ou du moins, dont elle se rappelait parfaitement le visage, pour l'avoir quitté une heure à peine avant son entrée dans cet étrange magasin des secrets. Il lança son nom, comme pour capter son attention, avant de faire part de sa surprise. Réellement, l'était-il ? Était-ce si surprenant qu'une femme de vingt-et-un ans s'explore dans les douces contrées du plaisir ? Pas vraiment. Mais savoir qu'elle fréquentait le même lieu de bonheur que Nolhan, allez savoir pourquoi, provoquait en elle une pointe d'amusement teinté de respect. « Je dois dire que je ne suis pas vraiment surprise, quant à moi, de vous croiser ici monsieur Blackburn. » Une légère teinte d'arrogance dans la voix, Alix arborait pourtant un sourire franc et éclatant de plaisir. Il ne lui manquait que cette fabuleuse rencontre pour offrir à sa journée cette aura de surprises et de nouveautés. « Ce qui me surprend, c'est votre achat. » Entrer dans un sex shop pour n'en ressortir qu'avec une paire de préservatif, voilà qui relevait du sacrilège. Dans sa tête de jeune fille très imaginative, Nolhan avait revêtu cet espèce de visage fantasmagorique. Elle ne le connaissait pas, mais en imaginait pour autant beaucoup. Et en sortant d'un sex shop sans même lécher les vitrines des films coquins, il perdait beaucoup de son attrait.
Nolhan aimait les plaisirs charnels. Il aimait les femmes, leur corps sublime, leur voix sensuelle, leurs formes généreuses, leurs gestes affectifs, les mots qu'elles lui glissaient dans l'oreille entre deux soupirs. Il était un fana de sensualité, certes. Mais pas de la vulgarité. C'est pour cela que, mis à part pour s'acheter des capotes multicolores ou fluorescentes pour se taper un bon délire - ou pour s'en acheter tout court, même des basiques, comme c'était le cas ce jour-là -, il ne se rendait pas dans les sexshops. D'accord, se faire enchainer au lit par sa partenaire pouvait être excitant, mais ça, il pouvait très bien le faire avec un torchon ou un autre tissus dans le genre, pas obligatoirement avec des menottes achetée dans le magasin le moins pudique de la terre. Ne vous méprenez pas, Nolhan n'était pas un adepte du romantisme, des pétales de roses délicatement posées sur le lit, des bougies senteur cannelle et des coupes de champagne sur la table de chevet, bien loin de là. Mais il estimait que pour se faire plaisir avec une femme, il n'avait pas besoin de toutes ces choses extravagantes qu'on pouvait trouver dans un sexshop - sans prétention, aucune -. Cependant, ce jour-là, la flemme trop imposante d'aller chercher des préservatifs dans une grande surface ou à la pharmacie l'avait poussé à entrer dans cet endroit, à la fois glauque et risible. A peine entré dans cette boutique qu'on y trouvait des pancartes avec obligatoirement deux ou trois fois le mot "sexe" écrit en grosses lettres, histoire d'attirer le petit adolescent prépubère à acheter une des mille et une conneries mises en vente. Et à côté des ados assoiffés de sexe, il y avait ceux qui savaient parfaitement ce qu'ils faisaient en entrant dans ce magasin. Ceux qui venaient pour une nouvelle distraction, ceux qui voulaient découvrir de nouvelles sensations en achetant un nouvel objet. Nolhan lui, se trouvait dans aucun des deux cas. C'était juste: le mec aux préservatifs. Le blaireau qui avait l'audace de venir dans un endroit pareil, juste pour s'acheter une boite de préservatifs basiques.
A la croisée du regard avec Alix, Nolhan se sentait légèrement prit de cours. Certes, Alix n'avait que quatre ans de moins que lui, mais elle n'en restait pas moins son élève. Et se trouver face à son élève dans un endroit pareil n'avait rien de banal. Il lui avait donc exprimé sa surprise, mais elle, contrairement à lui, ne semblait pas l'être. Enfin si, elle l'était. Un peu. Mais pas pour la même raison du jeune Blackburn. Non, elle était étonnée par l'achat de Nolhan, probablement par la maigre imagination de monsieur face à tant de choix. Une boite de capotes alors qu'il pouvait acheter bien d'autres choses. C'est vrai que par rapport à elle, son achat semblait ridicule. « On ne sait pas tous se montrer imaginatif, je suppose. » déclara-t-il en regardant avec insistance les menottes qu'elle tenait, de manière à ce qu'elle comprenne ses sous-entendus. La jeune Alix n'était pas une personne à côté de laquelle on passait. Rien qu'en cours de sport, elle savait se démarquer des autres comme peu d'autres le faisaient. Elle était toujours bien habillée même s'il ne s'agissait que de vêtements de sports, et avait une présence qui faisait qu'on la remarquait facilement au milieu de gens. Cependant, Nolhan n'aurait jamais pensé qu'eux deux se croiseraient ici, dans ce sexshop. Voilà une facette de la jeune O'Donnel qu'il n'avait pas envisagé. « C'est le cours de sport qui vous inspire tant ? » Une plaisanterie ne faisait pas de mal, après tout, il se voyait mal raconter à son élève qu'il avait prit ses préservatifs ici parce qu'il avait la flemme de faire un détour de deux minutes par une grande surface.