la petite histoire

and in the end, we were all humans. drunk on the idea that love, only love could heal our brokenness.

J'ai besoin de bouger to'. Recroquevillée sur le pouf colombien du salon, un des nombreux trophées de guerre qui ornaient le salon comme elle aimait les appeler, elle avait foutu sa manucure en l'air en se rongeant les ongles, une fâcheuse habitude dont elle s'était pourtant débarrassée quelques années plus tôt. Mais aux grands maux les grands remèdes. Hyperactive, elle l'avait toujours été, on dira merci aux déménagements incessants des vingt dernières années, mais elle ne pouvait s'empêcher de taper du pied, ses tics revenaient la hanter. Tu veux faire un foot ? L'interrogeant du regard, Jo était tiraillée entre l'envie d'hurler de rire ou étouffer sa soeur avec le coussin du canapé. Toni jouait aux jeux vidéo, une main sur la manette, l'autre dans un bol de pop corn. La culture américaine dans toute sa splendeur. Jo se sentait mal, elle s'était levée avec un poids sur le coeur et le sentait au bord de l'implosion. J'en peux plus de cette vi(ll)e... murmura-t-elle. Sa voix se faisait tremblante, fragile, susceptible de se briser à chaque instant. Elle n'avait pas le droit de se plaindre à voix haute, après tout c'était de sa faute si elles se retrouvaient coincées en Arizona à ce jour, elle avait craqué la première, elle n'avait qu'à s'en prendre à elle-même. Mais cette décision elle l'avait prise pour sa soeur, trop bornée pour avouer que c'était ce dont elles avaient besoin. Maturité, pas le point fort de joan. Pourtant, il lui avait fallu en faire preuve l'été précédent lorsque les papas insistèrent pour les abandonner à Phoenix afin d'entamer leurs études. Abandonner, parce que c'est comme cela qu'elle l'avait vécu, comme un traumatisme, comme si on l'avait arraché des bras de sa mère "La Route" pour l'envoyer pourrir dans l'ennui de la sédentarisation. C'est pour votre bien, votre avenir mes fesses oui, comment poser ses valises un beau matin après vingt-deux années passées sur le départ constant ? Je veux me barrer d'ici to'. J'veux faire un foot avec notre petit voisin petro sur un terrain abandonné, j'veux rire aux éclats au Salitre Mágico après avoir pleuré dans la grande roue, j'veux regarder le lever de soleil sur une plage de Brisbane, j'veux perdre mes mots en hongrois et raconter pleins de bêtises politiquement incorrectes au barman, j'veux manger des croissants sur les toits de Paris, j'veux courir en mini-short une bière à la main dans les rues de Dubai, j'veux vivre bordel. cria-t-elle dans un élan de désespoir, les larmes aux yeux. Parfois, il lui arrivait de se surprendre à compter les jours restant avant la fin de son cursus universitaire. Deux ans, cinq moi et trois jours, soit une éternité. J'étouffe toni. Rien ne pouvait plus déstabiliser toni venant de sa soeur mais elle arrêta tout de même son jeu un instant. L'allusion à leurs précédentes destinations avaient ramené à la surface de superbes souvenirs enfouis et le temps d'un instant, elle se perdit dans ses rêves d'aventures nouvelles. L'agitation de sa soeur la ramena sur terre, un pauvre sourire béat sur les lèvres, les yeux brillants de larmes. Mais jo n'était jamais mal, c'était le petit clown de la famille, le rayon de soleil des dimanches pluvieux. Joe le taxi, il va pas partout, il marche pas au soda. Son saxo jaune connait toutes les rues par coeur, tous les p'tits bars, tous les coins noirs. Vanessa avait pourri son enfance à coup de rimes bancales mais la vue de sa soeur dansant en petite culotte dans le salon, poussant la chansonnette comme elle le faisait petite pour l'humilier aux repas de Noël lui remplit le coeur de joie. Et juste comme ça, jo avait retrouvé le sourire. Toni souffla un bon coup tout en s'affalant sur le pouf aux côtés de sa soeur, mission accomplie. Jo sans le sourire c'est comme Ribéry sans sa cicatrice, jamais connu, connaitra jamais. T'es sûre que tu veux pas faire un foot ? La ferme, tonio le mécano. Tu vas voir, on va se plaire ici. Dieu sait laquelle des deux mentait le plus, l'une en affirmant des aberrations pareils, l'autre en acquiesçant par loi du silence, mais peut-être que si elles faisaient semblant juste assez longtemps, alors leur amer réalité aurait goût de doux paradis.