Il frissonne et rajuste sa veste autour de son corps frémissant. Il fait frais, cette nuit-là. On sent bien l'hiver qui a imposé ses droits, imposé sa température, imposé la glace dans chacun des recoins, jusque dans les esprits. Il accélère un peu le pas. Quelle idée de rentrer à pieds, aussi. Ce soir oui, il est sorti. Comme souvent. Comme une sorte de remède inefficace, qui ne fonctionne en rien mais qu'il tente encore et encore. Se changer les idées. Mais enfin, Sweeny, en cinq ans tu n'y es toujours pas arrivé, pourquoi aujourd'hui ? Il a beau draguer toutes les filles de la terre, les plus âgées et les plus jeunes, les ramener dans son lit et passer une nuit de folie... tard dans la nuit, c'est toujours le visage de Lola qui vient l'assassiner. Qui vient, et par la douceur de ses traits qu'il connait par coeur, le culpabilise encore et toujours. Il passe une main pour ébouriffer ses cheveux, chassant ces pensées de son cerveau. Ah, si c'était si simple. (...) Il y a juste une protestation. Un peu d'agitation, et c'est plutôt ça qui attire le regard du dessinateur. Sweeney ralentit. Là, dans la ruelle à sa droite, il ne distingue qu'un petit groupe rassemblé en cercle. Quelque chose dont il ne se serait absolument pas soucié s'il n'avait pas entendu la voix féminine qui en émergeait. Et dont les accents flirtaient avec ceux de la peur. Alors, sans réfléchir – c'est toujours comme ça avec lui – il s'avance. Le héros insouciant. À présent, au milieu des ombres, il distingue celle qui cloche. Une jeune femme, comme il le pressentait. Les battements de son coeur s'accélèrent. « Vous n'avez pas honte de vous en prendre à une dame sans défense ? » Ils se tournent tous d'un bloc, comme un robot magnétisé. Il entend quelques rires. En même temps, normal. Il ne fait pas deux mètres dix avec quatre-vingt dix kilos de muscles. Non, bonjour, Sweeny un mètre soixante-quinze, petit gringalet dans son genre. Alors pourquoi est-ce qu'il est là ? Ah, mais il ne sait pas. Souvent, il ne sait jamais. Mais il n'a pas pu passer son chemin. Ils s'écartent de leur future victime, pour se diriger vers la nouvelle : lui. Bien décidé à ne pas se laisser faire, le brun avance alors brusquement, pour se retrouver aux côtés de la demoiselle auquel il lance à peine un regard. « J'ai appelé les flics, je crois que j'entends déjà les sirènes.. Ah, bah regardez, là au bout de la rue ! » Un même mouvement de tête. De vrais moutons, ces abrutis. Une seconde ils se prennent dans le piège stupide. Et c'est cette seconde qui va devoir les sauver. Il attrape alors fermement le poignet de la demoiselle, avant de lui murmurer : « COURS. » d'un ton pressant. Et de l'entraîner derrière-lui, priant pour que l'effet de surprise leur laisse au moins un peu d'avance. Il n'a jamais été un super athlète, mais il connait cette ville comme sa poche.