la petite histoire

The world outside these walls may know you're breathing

Les Vaughan. On a toujours complimenté cette famille de San Diego, admiré l'éducation parfaite des enfants, leur bonheur sans faille. Leurs pique-nique du dimanche dans un coin de forêt, allongés sur l'herbe, faisait souvent penser à un décor de carte postale tant la gaieté en suintait. Et pourtant...

C'est comme un mythe qui s'effondre. J'avais cru dur comme fer à tout ce que j'avais, avec mes doutes et mes joies. Mais au moins, j'avais quelque chose à quoi m'accrocher. En fait, je ne savais plus quoi en penser. J'étais assise sur mon lit, dans ma chambre vidée de toutes preuves de ma présence. J'emportais tout avec moi. Les souvenirs suivraient sûrement. La porte était close. De toute manière, ils avaient compris que j'avais envie d'entrer dans une bulle de mutisme jusqu'à faire le tri dans ma tête. J'en avais sûrement pour un moment, vu le bazar qu'il y avait. Tout ça à cause de ce jour là...

Flash-back, deux semaines plus tôt
« Astrée... Viens là ma chérie. » Je m'avançais jusqu'au lit de mon père. Cela faisait plusieurs semaines que toute la famille s'attendait au pire avec lui. On lui avait découvert récemment une grave tumeur au cerveau qui enflait tous les jours un peu plus. Il n'y avait absolument rien à faire si ce n'est le voir souffrir. Dans le meilleur des cas, il survivrait à l'état de légume. Nous étions tous tellement déprimés, que la solidarité entre Vanghan était plus grande que jamais. Voir mon père dans cet état me donnait envie de pleurer, mais ce n'était pas ce qu'il voulait voir. Alors, avec un courage que je ne me connaissais pas, je lui souriais doucement. « James, s'il te plaît, ne fait pas ça. » Dans le coin de la pièce, ma mère se tordait les mains, visiblement mal à l'aise. « Si je ne le fais pas, tu ne le feras pas non plus. Elle a le droit de savoir la vérité. » Mon cœur cessa de battre à ce moment là. Je devais sentir que ce qui arriverait ne serait pas anodin dans ma vie. J'aurais du fuir pour ne jamais l'entendre. Mais... « Savoir quoi ? » Il m'offrit un sourire tellement faible que je baissais la tête. Première faille dans ma défense. « Il y a 16 ans en Italie, à Venise, une femme t'a donnée naissance. Elle t'a prénommée Astrée Juliette. Elle t'aimait sans doute énormément mais... cette femme n'était encore qu'une adolescente de 15 ans. Avec Kathryn, nous étions en voyage là-bas pour oublier la perte du bébé qu'elle attendait alors... Alors on a adopté. On t'a adoptée toi. Nous ne sommes pas tes parents biologiques mais crois moi, on t'a aimée encore plus que ça. Tu es la fille que nous n'avons jamais eu. » C'était trop pour moi. Les larmes dégoulinaient le long de mes joues. Je ne cherchais même pas à les retenir. « Comment ils s'appellent ? Mes... parents ? » Ma ''mère'' s'avança pour venir s’asseoir aux côtés de son mari. « Juliette Tolomei et Harry Jones. » Ils ne cherchèrent pas à me retenir quand je sortis de la chambre précipitamment.
Fin du flash-back

Je ne savais même pas si je leur en voulais de m'avoir caché la vérité. Ils avaient été des parents modèle, j'avais été aimée autant que mes deux frères. Enfin, mes frères adoptifs. Mais la nouvelle me faisait me sentir exclue de cette troupe, comme si je n'y avais plus ma place. Mon nom aurait du être Astrée Juliette Jones... Astrée Jones. Mais ce n'était pas ainsi. Je ne pouvais pas renier le couple Vaughan comme ça. Ils ne le méritaient pas. Maintenant, je comprenais juste une chose. L'attitude de mon frère.

Flash-back, un mois plus tôt
« Calme toi Astrée, on ne fait rien de mal... » « T'appelles ça ne rien faire de mal toi ?! On est en train de... de... » Ses lèvres se posèrent sur les miennes, me faisant taire instantanément. Je profitais de cette sensation, en oubliant presque mon malaise. Nus dans son lit, nous faisions l'amour une fois de plus alors que nous étions seuls à la maison. Il ne semblait pas gêné par la situation, contrairement à moi. Le jour, nous agissions comme des frères et sœur... Et le soir, discrètement, ce n'était plus du tout la même chose. Au début, ce n'était que des baisers anodins. Il était mon aîné de trois ans, et depuis toujours nous étions très proches. Je lui avais tout confié sur ma vie, même amoureuse. J'étais trop timide avec les garçons, n'avais même jamais eu de vrai petit-ami. Je ne sortais pas beaucoup non plus, n'était pas dévergondée... Bref, de quoi devenir nonne. Pourquoi avais-je eu cette envie de m'essayer à ça, hein ? Mon frère avait répondu présent. Mais plus que l'acte charnel, c'était de l'amour. Bien différent de l'amour fraternel. Je l'aimais comme s'il était mon petit-ami. Mais voilà, nous n'avions pas le droit. J'avais l'impression d'enfreindre toutes les règles et de me souiller plus qu'autre chose. Je me faisais honte. Pourtant je continuais, incapable de briser ce qu'on avait.
Fin du flash-back

Mais si ce n'était pas mon frère... Cela changeait totalement la donne. Est-ce que ce serait compréhensible aux yeux des gens ? Non, sûrement pas. Je continuais de le considérer comme mon frère, lien de sang ou non. Et même si j'allais devoir le supporter maintenant que ma décision de partir était prise, je voulais arrêter là. Ce serait sûrement mieux pour tout le monde...

Flash-back, deux jours plus tôt
« POURQUOI T'AS FAIT CA ? » Je venais de fermer la porte en la claquant fortement après que mon frère soit entré. J'avais parlé à ma ''mère'' de mon intention de partir à Phoenix pour rencontrer mes vrais parents. Et il avait fallu que l'autre se porte volontaire pour m'accompagner. Il avait peur que je me perde peut-être ?! « Calme toi pour commencer, et réfléchis un peu. Tu as juste 16 ans. Tu crois que maman aurait été d'accord pour te laisser partir seule ? » « Ce n'est pas ma mère je te rappelle ! » Long silence. Je me plaquais la bouche avec mes mains en baissant les yeux. Non. Je ne voulais pas dire ça. « Mais elle te considère comme sa fille et c'est dur de te voir partir. De nous voir partir tous les deux. Je ne veux pas te laisser seule. » Dans un sens, je comprenais la logique. Mais me retrouver seule avec lui ne m'enchantait pas. Je ne voulais pas lui donner de faux espoirs. Je me tournais vers mon lit pour placer une pile de vêtements dans ma valise, juste pour ne pas le regarder. « Je n'ai peut-être pas le choix. Mais qu'on soit clairs, je veux prendre un nouveau départ sur tous les fronts. Même celui sentimental. Il n'y aura plus rien entre nous. Et tu ne m'empêcheras pas de fréquenter des garçons juste pour me garder à toi. Promets le moi. » Je voyais dans son regard que je l'avais blessé. Je ne m'excuserai pas. Pas cette fois. Il devait faire cette concession, le faire pour moi. « Promis. »
Fin du flash-back

Nouvelle ville. Nouveau lycée. Nouveaux amis. Nouvelles habitudes. Nouveaux parents... J'angoissais tellement de les rencontrer. J'avais fait mes recherches, ce qui s'était révélé assez simple. Mais ça ne m'aidait pas à répondre à cette question : serait-ils heureux de me rencontrer ? Je refusais de croire qu'ils s'était débarrassés de moi. Ma mère était juste trop jeune, c'était la seule et unique explication. Et puis zut, ce n'était pas le moment de prendre peur. D'ailleurs... « As' ? C'est l'heure d'y aller. » Phoenix, ça ne devait pas être si terrible. Comme mes parents. Les vrais.