« Kit, petit chieur, rends-moi ma gameboy ! » Ezra, le cinquième enfant des Fitzgerald, courait après son petit frère -qu'il qualifiait la plupart du temps de "petit chieur" ou de "résidu de fausse couche"- à travers la maison, suivit par Dobby, leur nouveau labrador. « Jamais ! La mienne est cassée. » « C'est de ta faute si elle est cassée, rends-moi la mienne ! » « C'est pas vrai, menteur ! » Malgré les apparences, Kit et Ezra s'entendaient plutôt bien. La plupart du temps en tout cas. Etant les deux petits derniers de la famille, ils complotaient souvent ensemble contre leurs aînés et montaient des plans pour leur rendre la vie dur. Un jour par exemple, ils avaient remplacé le shampoing de leur sœur Louise par du décolorant -elle avait eu droit à un joli jaune pisse et n'était pas allée en cours jusqu'à ce qu'on lui fasse une couleur- ou encore, ils avaient changé le sandwich aux rillettes de leur frère Ashley par un sandwich à la pâté pour chien. Ça n'avait fait rire personne, sauf eux naturellement. Kit n'était pas réellement ce qu'on pourrait appeler un sale gosse, il aimait juste beaucoup embêter les gens, et venant d'une famille de six enfants, il faisait tout ce qui était possible pour qu'on le remarque un minimum -et ça marchait très bien.

Si Bristol lui manquait ? Bien sûr que Bristol lui manquait. C'était sa ville. L’Angleterre, son pays. Et voilà qu'ils se retrouvaient tous à Phoenix, en Arizona. Une ville inconnue, un pays inconnu, une école inconnue. Kit connaissait tout le monde à Bristol, de la petite vieille qui vendait des clopes aux gosses du maire. Il était né là-bas, avait toujours traîné avec les mêmes gens, ici il ne connaissait absolument rien ni personne. Après le départ de son mari, la mère de Kit avait voulu changer totalement de vie et avait décidé sur un coup de tête de partir aux Etats-Unis. En embarquant, bien sûr, tous ses gamins. Aucun des enfants Fitzgerald n'étaient contents de déménager. Ils aimaient tous profondément Bristol, se voyaient faire leur vie là-bas, y élever leurs gamins, mais leur mère avait, encore une fois, été égoïste.

« Donc, elle a porté plainte pour harcèlement. » « Je vois. Assez commun, ça arrive très souvent. Et, est-ce faux ? » « Bien sûr que c'est faux, ça serait même plutôt elle qui m'harcèle pour que j'accepte de sortir avec. Malheureusement pour elle, j'ai une certaine préférence pour les hommes. Beaucoup de personnes pourraient témoigner, le problème étant qu'elle a de l'argent et des connaissances pour corrompre le juge. Pas moi. » Cette connasse de Mindie, une mannequin avec qui il avait travaillé sur plusieurs défilés, avait porté plainte contre lui la semaine dernière après qu'il ait refusé un énième rendez-vous avec elle. Cette fille était complètement folle. Tous ses ex le disent. « C'est pour ça que j'ai fait appel à vous, Mr. Hodgkins. Je suis totalement ruiné maintenant, mais on m'a dit que vous étiez le meilleur. Mais vraiment, j'ai dû faire un crédit et ça m'emmerde bien. » Lennon Hodgkins eu un léger sourire face à la franchise et la spontanéité de son client. Oui, il était un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, mais oui, il était très cher. « Bon. Très bien, je vais prendre votre cas. » Kit le fixa quelques instants, l'air totalement perdu. Il ne croyait pas que Mr. Hodgkins accepterait de prendre son cas ; après tout, il devait pouvoir en trouver des biens plus intéressants, mais Kit avait réellement besoin de lui. Mindie pourrait facilement lui pourrir la vie et il s'était déjà assez démerdé pour s'en sortir, alors ce n'est pas une petite connasse comme elle qui allait tout détruire. « Sérieusement ? Oh bordel. Merci. »

Ça faisait maintenant plusieurs semaines que Lennon et Kit travaillaient ensemble sur le dossier, essayant de rassembler le plus de personnes possible pour témoigner contre Mindie. Kit essayait de passer au moins un soir par semaine à l'appartement de Lennon -le sien étant toujours occupé par ses abrutis adorables colocataires. Jusque là, Lennon avait toujours commandé à manger, mais ces derniers jours Kit avait commencé à cuisiner, n'en pouvant plus de la bouffe commandée. « Sérieusement, ça t'arrive de manger de la vraie nourriture ? » « Je n'ai pas le temps de cuisiner. » « Oh, je vois. Monsieur ne sait pas cuisiner mais préfère dire qu'il a des choses plus intéressantes à faire plutôt qu'apprendre à faire à manger. » Lennon ne répondit rien, ce qui confirma les doutes de Kit.

Kit devait l'avouer : oui, il aimait bien Lennon. Du genre, bien... beaucoup bien. Mais Kit avait vingt-cinq ans et Lennon approchait de la quarantaine. Certes, il aimait les hommes un peu plus âgés, mais là... Et puis Lennon était avocat, Lennon était riche, Lennon ne venait pas du même monde. Si Kit n'était pas en colocation, il ne pourrait pas payer le loyer tous les mois, ni même manger correctement tous les jours. Et il aurait été obligé d'abandonner son chat Rory, ce qui était totalement inacceptable. Pour faire court, Kit était persuadé que Lennon ne voudrait jamais de lui. Abruti.

Un jour, Tate lui avait dit « Non mais sérieusement, tu couches avec ? Parce que t'es tout le temps chez lui, on te voit plus. Rory s'inquiète tu sais. Alors si tu couches pas avec, je comprends pas. » Kit lui avait dit d'aller se faire voir. Néanmoins, les paroles de son abruti adorable meilleur ami l'avaient fait réagir. Était-il si souvent que ça avec Lennon ? Après tout, ils étaient passé au jugement depuis trois semaines et avaient gagné -suite à quoi, ils étaient allés au restaurant, histoire de fêter ça- et ils se voyaient pourtant toujours autant. Kit se trouvait des excuses bidons, du genre "Je vais y aller ce soir juste pour vérifier s'il a mangé." mais il restait pourtant plusieurs heures chez Lennon et ne rentrait chez lui que très tard la nuit. Il avait aussi remarqué les petits gestes que l'avocat avait envers lui, comme les effleurements de leurs mains/épaules/ou autres parties du corps (pas cette partie, bande de dégueulasses) de plus en plus fréquents, le fait qu'il se rapproche de lui jusqu'à le toucher quand ils regardent la télévision ou encore cette fâcheuse habitude qu'il a de voler des trucs dans son assiette quand il a fini la sienne. Se pourrait-il qu'il y ait plus que ce qu'il ne pense entre eux ? Bordel. Putain de bordel. Et foutu Tate.