Les conseils douteux d'Amanda m'ont tout droit menée dans un speed dating douteux. Remarque, je n'ai rien de mieux à faire de mon Noël, j'aurais bien prit l'avion afin de retourner voir mon père mais je préfère, très sincèrement, économiser pour le moment. Beaucoup de personnes passent les fêtes en famille, et moi je n'en n'ai aucune ici à Phoenix, c'est pourquoi j'ai finalement cédé au plan foireux d'Amanda. Les cheveux lâchés et légèrement ondulés, je me suis mise un peu de mascara .. "histoire de", mais niveau vêtements on ne peut pas dire que je sois là pour conquérir Brad Pitt. A moins qu'il soit adepte des t-shirts gris, des gilets noirs, des parkas kakis, des shorts en tweed et des converses à moitié mortes.. Qui sait, je vais devenir milliardaire en m'asseyant à cette table, et être interviewée pour avoir embrassé le beau gosse.
Je veux bien jouer le jeu, mais pas de là à vendre ma personnalité.

Peu assurée, je sirote mon soda et joue avec les bougies en attendant de pouvoir passer le temps à discuter avec le fou qui aura osé vouloir me rencontrer.

Il était beau, Braam. Beau comme le ciel, beau comme les astres, beau comme les étoiles. Il avait ce sourire carnassier dessiné sur ses lèvres, dessiné dans son regard. Il était beau, mais pourtant, il était ravageur et ravagé. Comme une tempête, comme la perte d'un être aimé. Mais il ne voulait plus se souvenir. Plonger dans le passé pour mieux plonger dans l'oubli. Sentir la brûlure de l'alcool au creux de sa gorge, sentir son envoûtant parfum. Alors il était parti. Au début, l'idée lui avait semblé complètement stupide, futile et délicate. Un speed dating, il n'en avait jamais vraiment compris l'intérêt. Jusqu'à ce matin, du moins. C'était une horrible opportunité, poussée par une effroyable envie de chair fraîche. C'était un chasseur, un séducteur mêlé à un brin de saloperie et il était en quête d'une proie. Un speed dating, il en avait compris l'intérêt. La salle était pleine d'hommes, mais il y avait surtout des femmes. En quête d'un amant, d'un amour, d'un ami. Mais surtout en quête d'un amour qui sera vain, lui aussi. Alors il s'avança au travers de la salle, à la recherche de la proie idéale. Elle se tenait en face de lui, assise à une table. Seule et aussi délicate qu'une pétale de rose. Elle était belle avec son air innocent, son air ennuyé. Elle sera sienne le temps d'une nuit, d'un après-midi, d'une soirée. Elle sera sienne.

La démarche assurée, la démarche d'un homme confiant, il s'avança jusqu'à la table où était la jeune femme. Sans même le lui demander, il s'installa en face d'elle. Elle buvait un soda, elle jouait avec les bougies. Elle ne semblait pas être dans son élément et c'en était parfait. Lui, il était un dragueur. Il savait comment se comporter avec les femmes, comment faire chavirer leur cœur. « Je peux m'asseoir. » dit-il, calmement. Ça n'avait pas été une question et ça ne le serait jamais. Lui, il n'avait pas besoin d'autorisation pour faire quelque chose. Et encore moins pour séduire une femme.

Soda fraise, mon préféré, sans doute car j'aime tout ce qui est composé de fraise. Ce n'est pas vraiment de ma faute, après tout c'est une obsession comme une autre, mais pour le coup si l'idée de me trouver dans un concept aussi étrange que celui du speed-dating m'irrite l'esprit, le soda apaise un peu mes nerfs. Et le côté rassurant dans tout ça c'est que lui au moins ne colorera pas trop ma langue.. pas comme le myrtille, une saloperie ce soda, de quoi passer pour un alien.
Je commence à apprécier le moment, je suis assise dans un endroit plutôt joliment décoré, du moins le fauteuil est plutôt confort, je bois ce que je préfère après l'alcool qui m'est interdit depuis huit mois déjà, et je fais même "joujou" avec les bougies, manquant à plusieurs reprises de me brûler les doigts.. c'est ce que ça coûte de vouloir voir la cire refroidir sur le bout de mes doigts.
Mais au moment où je commence vraiment à oublier ce que je fiche ici, un jeune homme s'approche. Il a beau faire semblant de poser une question, il s'assied quand même, ce qui me fait arquer les sourcils de surprise.

- Ah..euh.

Je ne trouve rien de plus brillant à dire, je déteste être prise de court, aussi j'enlève la cire qui me tenais compagnie et offre un sourire à mon accolyte inconnu.

- Je commençais à croire que j'effrayais les gens.

Commençai-je sur un ton plus assuré avant de rire légèrement. Quelle merde, qu'est-ce que je fiche ici ?

- Moi c'est Cat, Cat Rose. Je bois du soda.

Bravo Cat, encore de quoi passer pour une personne parfaitement passionnante.. "je bois du soda".. sérieux.